Investi dans le cumul des secrétariats du Cercle et de la Fédération, Edgard D'Hont s'appliquera à la rédaction des principaux discours informatifs et honorifiques. Il saura faire preuve, si nécessaire, d'une amnésie oublieuse des travers, des défauts et des égos d'artistes. Son talent constituera alors à cerner la valeur de maîtres incontestés tel François Maréchal, mais ausssi de quelques jobards dépourvus d'envergure. Jamais personne pourtant ne songera à lui rendre la pareille.Seule la presse locale, au fil des ans, lui concédera le taux d'estime qu'il mérite. Insatiable dans les échanges et avide de rencontres, il multipliera les adhésions aux coteries.
Une observation s'impose: toutes les démarches et interventions du peintre demeureront strictement limitées au cadre culturel. Son engagement primordial, loin des visées politiciennes, s'axe sur la redécouverte des beautés naturelles de sa région. Le paysagiste exposera, sans retenue, partout où on l'invitera: Huy, Verviers, Ostende, Gand, Bruxelles, Maastricht ou Aix-la-Chapelle. Sa philosophie, totalement dévouée au développement des arts, peut donc être décrite comme "fédéraliste" et non point "séparatiste". Son fédéralisme se conçoit pourtant dans un assemblage serein de régions géographiquement définies. Dans son esprit, la Wallonie n'existe qu'au travers d'un patchwork de couleurs locales. La Belgique culturelle idéale ressemble pour lui à une palette d'artiste, propice aux mélanges bénéfiques mais au départ de colorations différentes. De par ses contacts humains cordiaux avec ses voisins ouvriers, Edgard D'Hont, admiratif comprendra aussi la nécessité de faire découvrir à la haute société liégeoise la qualité d'une classe laborieuse au talent ignoré. Sa recherche d'un reconnaissance débouchera sur la majestueuse "Exposition d'Art Ouvrier", innovatrice, révolutionnaire et tellement déstabilisante qu'elle demeurera unique..
Edgard D'Hont va aussi s'engager, pour de nombreuses années, à collaborer avec le Musée de la Vie Wallonne. Il glissera anonymement plusieurs "critiques" dans les colonnes artistiques de différentes revues locales. ( voir la page: "Le lettré") Son travail de l'ombre se verra tellement apprécié qu'en 1932, la Commission Administrative du Musée lui décernera son prestigieux "Pot d'étain". Le renom de cette récompense fera citer son travail jusque dans les colonnes de "La Gazette de Bruxelles", organe de presse d'une capitale généralement méprisante à l'égard des initiatives "campagnardes"
En 1918, tout à la joie d'une liberté retrouvée,le Cercle des Beaux-Arts va à nouveau savourer l'éloquence de son secrétaire. Pourtant c'est avec stupéfaction que ce dernier va constater l'apparition d'une nouvelle vision politique au sein même de son Cercle. Désormais, en effet, les pouvoirs communaux et le monde politique reconnaissent à leur juste valeur les créations artistiques. Soucieux de l'avenir, de "leur" avenir ils font nouvellement confiance aux jeunes pousses capables de façonner un monde en évolution constante. L'avenir s'invente désormais au coeur des nouvelles générations.
En 1920,Albert de Neuville, obtient, de plein droit, la propriété du Palais des Beaux-Arts afin d'y organiser un premier salon qui réunit certes les oeuvres d'Adrien De Witte mais aussi d'"étrangers" venus de la capitale tels Rik Wouters le Boitsfortois d'origine flamande et Henri Hevenepoel, le Schaerbékois adepte assidu des milieux parisiens. A l'évidence, le "pur" esprit inoxydable d'Edgard D'Hont va mal supporter ces changements d'orientation et de philosophie. Fidèle à son âme, mais rongé par l'amertume, il va définitivement trouver refuge derrière son chevalet. Il choisira de "bougonner" au grand air et de totalement s'isoler.
Ce passage de témoin définitif entre deux époques se déroulera en sourdine sans l'ombre d'une narration de presse. Des réunions houleuses ont-elles débouché sur des querelles ou des rancunes ? Nul ne le sait plus même si, après l'année 1923, Edgard D'hont n'exposera plus que de manière tout à fait exceptionnelle en compagnie de l'un ou l'autre des membres du groupe "Les CINQ", tous désormais asservis aux visions de la nouvelle direction artistique liégeoise. Curieusement, c'est pourtant à cette époque que le paysagiste acquerra son statut de "personnalité locale incontournable". Les journaux locaux, toujours plus élogieux, ne manqueront jamais de signaler l'excellence de son art et feront même paraître sa "chronique" récurrente..
En 1933 enfin,la restructurée Société Royale des Beaux-Arts, ( plus question de Cercle!) met en oeuvre une exposition-bilan baptisée"Le visage de Liège". Edgard D'Hont, agrippé à ses opinions, est banni de ce qu'il dénomme un "fourre-tout..."(sic) Si son absence résonne, de nos jours, telle une injustice, peut-être n'a-t-elle suscité à l'époque que commentaires moqueurs ou désabusés. Une large part de l'exposition sera consacrée aux travaux de François Maréchal, au faîte de la gloire. Replié sur ses terres, le vieux paysagiste éprouvera au moins le sentiment d'avoir gardé un cap qui, jadis, aurait fait l'unanimité.Sans doute avait-il tort.