En février 1889, comme présentée ci-dessus, la couverture de la revue s'ouvre sur l'initiative du groupe des "Cinq" et pour ce faire s'illustre du travail de François Maréchal présentant les portraits de ses compères...Nos "jeunes" talents durent trouver l'initiative très à leur gré. La seconde page du journal nie un peu cette présentation ostentatoire par le trop bref texte introductif au ton assez provoquant voire agressif que voici:
" Cy, en première page, les portraits des "Cinq" dont les oeuvres seront visibles en la salle de l'Emulation, dès le 10 février. Le fait seul d'exposer à Liège, où l'on refuse de subsidier tout ce qui n'est pas courses dans des sacs ou réunions "orphéoniques" vaudrait à ces jeunes la sympathie de Caprice-Revue"
Voilà, au passage, quelques termes qui firent plaisir aux autorités contemporaines et qui marquent le degré d'"énervement" des artistes ignorés en but à la société de cette fin de siècle.
Suite à ce soutien total marqué du sceau d'une espérance force est de constater une relative déception dans la "critique" de l'exposition que publiera le journal en date du 2 mars 1889. Le texte est signé d'un laconique "L.T" largement anonyme pour nous.
"Je l'avoue bien franchement ce ne fut pas sans une certaine joie que nous sortîmes du salon de ces jeunes...Là, comme en quelques rares occasions précédentes, serait pour moi une lueur d'espoir, qu'un groupe plus artistiquement compact se levait enfin dans cette chère bonne ville du bourgeoisisme.Si la révolte n'est pas encore complète, du moins on en perçoit les préludes. Bien que les Cinq trahissent encore la marche hésitante de la jeunesse, cependant nous espérons que désormais ils marcheront tous fermes dans l'oeuvre d'avenir.
....... (suit ici une critique implacable des oeuvres et de l'approche de Jean CAMBRESIER que nous préférons ignorer par simple discrétion...)
"Pour MM D'HONT et MATAIVE, ça n'est pas encore non plus d'un souverain coup d'aile vers le "beau..."
....( suivent ici de franches louanges pour les oeuvres de François MARECHAL et BAUES qui promettent... à défaut de satisfaire entièrement ....à quelques exceptions près!!!)...
"Allons travaillez, unissez-vous surtout en un groupe compact, poussez ferme de l'avant, n'est ce pas ? Le public, qui ne connaît en art comme un aveugle en couleurs, ne vous épargnera pas; mais....qu'importe !!! Vous avez l'exemple des "Vingt" et de bien d'autres qui sortent enfin triomphalement de la lutte en opposant à l'étroitesse de quelques-uns où les ont placés leurs oeuvres!"
La lecture de cette chronique laisse perplexe. Si la démarche d'exposer semble incontestablement séduire le rédacteur du texte...l'analyse des oeuvres ne peut éviter une critique assez cruelle. Le journaliste (probablement bruxellois) espère-t-il une évolution du groupe néophyte vers un art plus affirmé et plus "moderne"? Le rappel du groupe des "Vingt" tend à le faire croire. Ce dernier, issu de l'avant-garde de la capitale a été crée en 1883 et compte parmi ses "inventeurs" ENSOR et KHNOPFF . Excusez du peu !!! Il sera rejoint plus tard par ROPS et RODIN. Lors de ses salons, l'association présentera des oeuvres de VAN GOGH, PISSARO, MONET etc etc... Il s'agit bien sûr d'une toute autre "division"!!!! Quand on sait que les artistes constitutifs du groupe des "Cinq" ne choisiront pas la voie du modernisme, nul doute qu'il décevront plus encore l'énigmatique "L.T" tellement peu amène qu'il "crache" intellectuellement non seulement sur l'incompétence des jeunes mais aussi sur les "amateurs" d'art bref les "acheteurs" potentiels des toiles et dessins...Dont acte...."L.T" était-il le seul à comprendre les choses ? Nul doute qu'il en était persuadé...Au-delà de cette suffisance du critique, force est de contater que , à l'inverse de la satisfaction des jeunes artistes fiers d'une "petite" réussite, l'accueil général de leur travail fut beaucoup plus tiède qu'ils ne l'espéraient. Si , plus tard, ils vendront allègrement nombre de tableaux et s'assureront un certain succès local, les jeunes formant les "Cinq" ne perceront jamais le toit de verre d'une notoriété sur le long terme. L'oubli les attendra... Qu'importe, ils auront vécu leur passion et leurs joies.Quant à nos murs , ils continueront de les accueillir et à les empêcher de vieillir....