Un chaland de CONJOUX

 
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Le paisible village de Conjoux, proche de Ciney, sera sans doute l'un des derniers à accueillir les errances prospectives d'Edgard D'Hont. Un dessin préparatif d'une oeuvre future, présenté au bas de cette page, nous informe cependant que l'artiste a déjà visité les lieux en 1908. Par son caractère impassible, l'endroit trouvera assurément la force de lui transmettre une profonde sérénité qui pacifiera les derniers mois de son existence.

Usé par l'âge et la maladie, le paysagiste, en plus de quelques élégants croquis qu'il n'a pu transformer en huiles, n'y réalisera qu'un seule oeuvre aux dimensions réduites.

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Ce travail isolé appartenant à une collection privée, malgré sa discrétion, se distingue profondément de la production récurrente réalisée par l'artiste tout au long de sa carrière.

En effet, sans nier sa "touche", le peintre nous propose, vu de dos, la silhouette d'un certain  Omer Chabothier, maréchal-ferrant de son état. Fait exceptionnel subséquent, outre cette représentation plutôt inusitée d'un être vivant, centre vital du tableau, l'artiste réalisera son travail "intra muros", au coeur d'une forge assombrie. Il s'agit en fait de sa seule épreuve connue à ce jour représentant une scène d'intérieur. Ce tableau, avec le recul du temps, doit être mis en relation avec un pastel retrouvé dans le studio du peintre de la rue des Courteaux à Chênée, qui présente une figure féminine également de dos, dissimulée sous les oripeaux bleutés d'une misérable glaneuse d'escarbilles...

 

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La carte postale ancienne ci-dessus à gauche nous montre une partie de la forge Chabotier située à la gauche du café-restaurant . On remarquera aussi la présence fort opportune d'une écurie immédiatement voisine de la forge. La photo de droite nous montre l'emplacement de ce local de travail transformé, de nos jours, en deux garages privés. Ci-dessous l'aquarelle "Glaneuse d'escarbilles". Cette dernière venue d'une collection privée a été proposée avec succès en  la salle des Ventes-Elysée à Liège.

Edgard D'Hont, à l'épilogue de son cheminement, semble soudain s'imposer des représentations à vocation sociale qui rappellent les chefs-d'oeuvre de Constantin Meunier. Il semble inutile d'insister ici sur l'admiration que portait le paysagiste à l'égard de ce maître incontesté de l'art belge.

Bien que compréhensif et attentif à l'égard des classes laborieuses et des opinions "socialistes" de son ami Jules Destrée, le peintre de Chênée se cantonera presque exclusivement dans la représentation de paysages naturels ou l'homme demeure absent ou lointain, voire même incongru.

Peut-être l'ambiance conviviale du village l'a-t-elle stimulé à retrouver les secrets d'une fraternité?

Conjoux s'avère en effet un lieu très riche où se sont enchaînés des faits d'apparence anodins et pourtant gorgés de dévouement rural.

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Ce hameau n'a-t-il pas compris à sa juste valeur la foi de son curé, l'abbé Laloux, qui entraîna ses paroissiens à ériger des grottes factices peuplées de statues en plâtre représentant les grandes étapes de la vie du Christ? Cette improbable réalisation qui réunit les efforts de toute une communauté citoyenne apporta au début du vingtième siècle un grand renom à son "concepteur". Peut-être est-ce cette réalisation qui attira Edgard D'Hont et son épouse à Conjoux. Le couple en effet, surtout dans le chef d'Adèle, a toujours marqué un intérêt certain pour l'univers de la foi catholique.

Le site du petit sanctuaire en extérieur, un peu oublié, n'a ,de nos jours, miraculeusement pas disparu.

Edgard D'Hont, interpellé par ces saynètes aussi sincères que désuètes, crayonnera la superbe bâtisse érigée à l'entrée du "domaine sacré" non sans esquisser l'arrière de la "grotte" dite du "calvaire". Son croquis surligné en partie, nous démontre encore la vision d'un créateur portant un regard acéré vers ces lignes essentielles qu'il est habilité à ressentir et percevoir. Le dessin ci-dessous provient d'une collection privée.

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Sur un plan plus profane, Conjoux a, de plus, vécu en 1924 la naissance de Gaston COMPERE, fils de l'instituteur local.

Une fois adulte, ce dernier sera distingué par le prix Rossel et celui de la Fédération Internationale des Ecrivains de Langue Française, basée au Québec.

Son oeuvre entière, tant poétique que romanesque ou théâtrale, visitera avec pertinence les ressorts cachés et mystiques de l'âme humaine. On imagine sans peine cet auteur talentueux, encore gamin, sautillant autour du peintre de Chênée venu mettre une part d'imprévu au beau milieu de la petite place locale ensorcelée, à l'époque, par les clapotis de sa fontaine...

Malheureusement, le paysagiste ignorera toujours les convictions qu'il partage avec le petit Gaston qui, adulte, note dans son autobiographie " Les jardins de ma mère...:"L'enfance laisse une plaie d'autant plus vive qu'elle a été heureuse...J'appartiens à un pays que j'ai quitté..." et ajoute dans " Le fort de Gleisse": ...A moi la conscience douloureuse....A moi la création..."

Pour tout peintre ou poète, de Conjoux à Chênée, le monde forme un tout au travers de ces joies et de ces chagrins qui, lentement et à jamais, s'habillent en souvenirs.

Leur art s'étale dès lors telle une voie tracée dans la mémoire commune, universelle.

Quant à nous, nous la parcourons, à leur suite, de page en page ou de tableau en fusain....et c'est toute notre vie qui s'enrichit.

N'appartenons-nous pas tous ainsi à ce mythique pays qu'il nous a fallu un jour quitter afin de nous croire adultes?

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Le dessin au crayon sur papier fort de droite illustre une partie du village que l'on peut redécouvrir sur la carte postale d'époque. Les maisons dessinées par Edgard D'Hont se situent presque au milieu de la carte, légèrement à la gauche et sous le clocher de l'église.

Ci-dessous un dessin mêlant pastel et fusain( collection privée) réalisé à peu près au sortir du sanctuaire explicité plus haut et la photo contemporaine de lieux vraiment quasiment immuables.

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Le crayonné ci-dessus de dimensions très réduites ( 15 cm sur 10) nous prouve deux évidences. La première nous démontre l'attachement profond qui lia le petit village et le paysagiste, la seconde prouve si cela s'avérait nécessaire la qualité du trait de l'artiste. Malgré ces dimensions infimes Edgard parvient à nous définir parfaitement le moindre détail de chaque habitation et au travers du gris de la mine de crayon....la clarté bucolique de l'endroit. Il est aussi à considérer le fait que le paysagiste fut sans doute très attiré par la configuration des lieux habités...Il est vrai que le village contrairement à de nombreuses communes belges est parvenu à se lover chaleureusement autour de son église et à ne pas se laisser "traverser" et "violer" par de grandes artères rectilignes et froidement agencées...

Le village de Conjoux semble avoir largement séduit les artistes contemporains d'Edgard D'Hont comme le montre l'huile signée Xavier WURTH ci-contre. Cette oeuvre a été proposée à l'acquisition en la maison des Ventes Elysée...L'art du paysagiste y excelle avec sensibilité et clairvoyance...Saluons un si  petit bourg ardennais capable de se parer des tonalités de deux des plus habiles artistes liégeois des débuts du XXème siècle...

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Le dessin "de préparation" ci-contre réalisé au fusain nous prouve par sa date d'exécution le plaisir précoce d'Edgard D'Hont de séjourner à Conjoux

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L'aide de Monsieur Charles Motet, trésorier du Cercle historique de la ville de Ciney nous est venue bien à point pour nous permettre de découvrir Le visage d'Omer CHABOTHIER qui manifestement a séduit par son travail l'attention d'Edgard D'Hont.

Omer Chabothier est né à Chevetogne le 31 septembre 1905. Il a épousé Marie Bouche et s'est installé avec elle à Chevetogne. Le couple en 1931 a déménagé pour s'installer à Conjoux où un jour un peintre l'a immortalisé au travail.

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